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  MONDE    SOCIÉTÉ  

Asia Bibi acquittée de sa condamnation à mort pour « blasphème ». Mais ce n’est pas fini.

En 2010, la justice pakistanaise avait condamné Asia Bibi à la mort par pendaison. Avec l’aide de son avocat, elle fait appel de cette décision. Sous la pression médiatique et internationale, les juges rejettent la condamnation et libèrent la femme de 38 ans tout en lui interdisant (pour l’instant) de quitter le pays. Tout ça pour une histoire de verre d’eau …

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LA FOLLE HISTOIRE

Parler au nom du « prophète » … pour une histoire de bouche portée à un gobelet d’eau.

Voici l’histoire qui a tout déclenché – Les détails du récit divergent quelque peu. Nous avons choisi de faire confiance à la version publiée sur « Wikipédia » :

« Le 14 juin 2009, Asia Bibi participe comme chaque année à une cueillette de baies falsa avec trois autres femmes dans un champ. Deux femmes ont demandé à Asia de l’eau à boire. Asia va chercher de l’eau à un puits à proximité du champ, prend un gobelet avec lequel elle boit une gorgée d’eau, puis ramène un récipient d’eau auprès des femmes. Mais une des femmes refuse de boire l’eau disant à Asia qu’elle a souillé l’eau du puits parce qu’elle est chrétienne donc impure. Asia se défend en disant qu’elle ne croit pas que le prophète Mahomet soit d’accord avec ce qu’elle dit. Cela suscita l’indignation de cette femme et d’autres femmes ont renchéri : Comment oses-tu parler au nom du prophète, tu viens de commettre un blasphème ».

LINK : « Affaire Asia Bibi » – « Wikipédia ».

Le « blasphème » vient tout simplement de cette histoire de verre d’eau. Une affaire tellement anodine qu’on peine à comprendre une condamnation à mort « juste pour ça ». Et pourtant, au Pakistan, environ 300 personnes sont condamnées, comme Asia Bibi, pour le même fait – qui est en fait un délit – de blasphème. Sur les dernières années, aucun accusé n’a été exécuté malgré les prononcés des juges. Les condamnés restent néanmoins emprisonnés.

L’avocat d’Asia Bibi, le musulman Saif-ul-Mulook ; « Un type qui a une énorme paire de couilles ».

L’avocat qui « a pris le risque » de défendre Asia Bibi est musulman. Ce qui apporte un poids important lors de ses prises de paroles. En prenant la défense de cette femme, de religion chrétienne, sur un sujet qui touche à Dieu, l’homme signe sans aucun doute la fin de son parcours professionnel dans le pays. Menacé de mort à plusieurs reprises, il est la cible de ceux qui veulent la mort d’Asia Bibi.

ACQUITTEMENT ET INDIGNATION

Alors que l’acquittement d’Asia Bibi est une victoire, ce n’est pas terminé pour autant pour la femme et sa famille.

Huit ans après sa première arrestation, les jugent ont été amenés à se prononcer de nouveau sur cette affaire. Associations et médias internationaux ayant porté l’histoire sur la scène mondiale, le sujet était devenu sensible dans le pays. Un site Internet a vu le jour ; « Comité International Asia Bibi ». A l’annonce de sa libération, on peut y lire ;

« Ce n’est pas sans émotion que l’association Asia Bibi vous annonce cette merveilleuse nouvelle. Après 9 ans de prison, Asia Bibi va enfin pouvoir retrouver les siens. Un immense merci à tous pour votre soutien si précieux et sans faille. C’est une victoire collective ! ».

LINK : « Comité International Asia Bibi » – « AsiaBibi.com ».

Pour Asia Bibi, son avocat et leurs familles, le but est maintenant de se faire oublier, notamment en partant à l’étranger. Rester au Pakistan est trop dangereux pour leurs vies. C’est un autre combat. Si son avocat, Saif-ul-Mulook, aurait déjà quitté le sol du Pakistan (tout en affirmant vouloir continuer à défendre sa cliente), les choses ne sont pas aussi simples pour Asia Bibi. Il lui faut l’autorisation des autorités pour quitter le pays. A ce jour, la requête est toujours examinée mais pourrait ne jamais aboutir. Pourtant, plusieurs pays se sont proposés pour accueillir Asia Bibi et sa famille. Propositions sourdes jusque là.

Selon « Libération », qui a repris un papier des journalistes de « l’AFP », le gouvernement pakistanais aurait conclu un accord avec les autorités religieuses du pays ;

« L’accord passé entre les deux parties est composé de cinq points, selon un exemplaire vu par l’AFP. Il prévoit notamment que le gouvernement ne s’oppose pas au dépôt d’une requête en révision du jugement de la Cour suprême au sujet d’Asia Bibi et qu’il initiera une procédure visant à inscrire son nom sur une liste de personnes empêchées de quitter le territoire. »

LINK : « Acquittement d’Asia Bibi : les islamistes trouvent un accord avec le gouvernement » – « Libération ».

Il est clair que la religion prend le pas sur la justice. Beaucoup dénonce cette main-mise alors que, même au Pakistan – où la religion est au centre de nombre de décision – la justice devrait être indépendante. Ce que souligne le mari d’Asia Bibi ;

« Le gouvernement n’aurait jamais dû passer un tel accord», a déploré samedi Ashiq Masih, le mari d’Asia Bibi interrogé par la radio allemande Deutsche Welle, qui y voit une tentative de «faire pression sur la justice. »

LINK : « Le sort d’Asia Bibi reste incertain malgré son acquittement » – « Le Soir ».

Des pakistanais dans la rue pour dénoncer la faiblesse de la justice – qu’ils auraient fait plier – face à l’injure d’Asia Bibi.

Des milliers de citoyens ont pris par à des manifestations de masses. Des islamistes, fanatiques, qui protestent contre la décision des juges. Mais si les manifestations ont fait grand bruit, il est faux de croire que « tous » les pakistanais affichent leur mécontentement. Ils sont nombreux a penser que ce délit de blasphème doit être biffé des lois. Aussi parce que la dénonciation de ce délit est pris comme excuse pour régler ses comptes avec quelqu’un contre qui celui qui dénonce aurait un contentieux.

« A Islamabad, quelque 5000 personnes se réclamant de partis religieux s’étaient rassemblées, appelant à la pendaison d’Asia Bibi et des juges qui l’ont acquittée, qualifiés eux aussi de blasphémateurs ».

LINK : « Au Pakistan, des milliers de fanatiques ont protesté contre l’acquittement d’Asia Bibi » – « Le Parisien ».

Les occidentaux espèrent que la décision de justice signera un virage dans les condamnations pour « blasphèmes » dans le pays. Ce n’est pas gagné. Des centaines de pakistanais sont toujours en prison pour ce « délit ». Des mois, voir des années, devront passer avant qu’ils puissent retrouver la liberté. La pression religieuse islamiste est encore trop forte pour changer les modèles sociétaux dans cette région du monde.

De plus, comme on peut le voir, la religion met une pression immense sur le dos des juges et de la justice toute entière. Le soucis est global et est identique dans tous les pays qui n’ont pas fait une séparation claire entre le religieux et le politique (et du coup, la justice).

  Publié par « FRANCE 24 »..
  EN VIDEO    « Pakistan : la Cour suprême acquitte la chrétienne Asia Bibi, condamnée à mort pour blasphème »..